UNE UTOPIE THÉÂTRALЕ EN PLEIN CENTRE DE MOSCOU / Mysterial Theatre in the Center of Moscow
Olga Kovlakova | Affiche. Paris — Europe | 21 April 2020Original

English text below
Le texte de l'article en anglais suit ci-dessous.

Un critique a comparé Boris Yukhananov au Fitzcaraldo de Herzog, qui  faisait construire un opéra en plein milieu de la jungle péruvienne. Metteur en scène,  réalisateur,  acteur, poète, peintre,  pédagogue, élève d’Efros et de Vassiliev, Yukhananov a créé en plein centre de Moscou un espace de théâtre expérimental unique en son genre. Le fait que son projet de reconstruction du théâtre Stanislavski ait été sélectionné sur concours de la Ville de Moscou en 2013, et qu’il en ait été nommé directeur artistique, constitue déjà en soi un véritable miracle. Et ensuite le projet grandiose a pu voir le jour grâce au concours du mécénat privé. Pareil à un mythe le lieu  matérialisant une pensée artistique est apparu.

L’apparition de  L’Electrothéâtre Stanislavski  constitue un événement unique non seulement pour la Russie, mais aussi pour l’Europe et peut-être pour le monde. Le 26 janvier 2020, le théâtre a fêté ses 5 ans d’existence, et qui aurait pu imaginer  aujourd’hui que, malgré toutes les tendances actuelles, un espace théâtral d’un nouveau type ait pu être créé en 5 ans. Alors qu’on assiste partout à des réductions budgétaires, et que le travail de laboratoire n’est possible que dans les toutes petites structures indépendantes devant un public succinct, Yukhananonov a réussi à créer un gigantesque laboratoire artistique expérimental d’avant-garde. En 5 ans, il a réussi à former un public d’habitués, à faire venir la critique,  les sceptiques de profession et la jeunesse.

Boris Yukhananov a créé un théâtre, comme on fait pousser un jardin, enrichissant d’un nouvel engrais le terreau déjà existant. Les acteurs de l’ancienne école restés dans la troupe ont pu transmettre aux jeunes comédiens, leur rapport aux processus de répétitions, au théâtre, à leurs rôles. Cependant que l’apport de forces nouvelles et fraîches n’a cessé d’affluer et afflue  toujours d’ailleurs. L’idée d’une scène transformable, qui est à la base de la conception architecturale et technologique, a été déterminante pour la formation de la troupe du théâtre.

Depuis 2015, le théâtre a produit plus de 50 spectacles. La conjugaison de l’opéra avec l’art dramatique, le développement de nouvelles stratégies musicales et théâtrales, sont à la base de magnifiques et énormes projets expérimentaux. Les projets du directeur artistique ressemblent d’abord à des utopies, mais des utopies qui se réalisent. Elles ne se réalisent pas en flattant le goût du public, mais, à l’encontre de toute logique, en se compliquant. La naissance de ce théâtre, et les événements qui s’y produisent, tiennent du conte fantastique et de la métaphysique. C’est aujourd’hui un espace multiculturel contemporain à la mode au centre de Moscou.  Yukhananov, lui -même a créé en tant que metteur en scène toute une série de spectacles d’envergure : la trilogie de « L’Oiseau bleu », la série d’opéras « Les Tourbillons », le spectacle en deux parties « Le Prince constant », le projet de processus de développement perpétuel « L’âne d’or- Espace de travail ouvert », « Galilée. Opéra pour violons et un savant », l’opéra « Octavia. Trépanation », le spectacle de processus de développement perpétuel de six jours « Les Jeux orphiques. Punk macramé » d’après le mythe d’Orphée et Eurydice. Dans cet espace théâtral travaillent non seulement des metteurs en scène russes, mais aussi des célébrités européennes: Théodore Terzopoulos, Roméo Castellucci,   Katie Mitchell, Heiner Goebbels.

Le théâtre a sa propre maison d’édition, qui imprime les programmes des spectacles, les journaux et les livres fixant et développant le contexte de création des spectacles, les textes de Boris Yukhananov expliquant les principes de construction et de développement de ce procédé théâtral particulier (le processus de développement perpétuel), et les livres d’autres auteurs sur l’histoire du théâtre.

Six importants compositeurs contemporains ont travaillé à la musique de la série d’opéras « Les Tourbillons ». Chacun a proposé son interprétation de ce roman poético-philosophique. L’opéra « Octavia. Trépanation » de Boris Yukhananov et du compositeur Dimitri Kourliandski a été montré au « Holland Festival » l’année du centenaire de la Révolution russe de 1917, et plus tard sur la scène du théâtre « Olympico » de Vincenze. Par ailleurs, Yukhananov a créé une série de voyages-spectacles ésotériques de plusieurs jours. Le premier d’entre eux est « L’Oiseau bleu », un voyage de trois jours à travers l’histoire de Maeterlink, l’histoire du théâtre et de la Russie. Ce spectacle permet aussi  d’admirer les infinies possibilités techniques de la nouvelle scène. Le spectacle de deux jours « Le Prince constant » d’après les textes de Caldérone et de Pouchkine, mêle la réalité des années 90 à celle d’aujourd’hui.

Fin 2019 a eu lieu la première des deux parties du mystère «Pinochio», d’après la pièce d’Andreï Vichnevski. « Pinochio » est l’occasion d’un dialogue entre le metteur en scène et le dramaturge. Ce « mystère théâtral » ne fait que commencer : les trois parties suivantes sont déjà en préparation. Les co-auteurs de ce dernier spectacle, sont Iouri Kharikov, scénographe de renommée internationale, créateur d’univers magiques et futuristes, et Alessio Nardin ( Alessio Nardin parla del suo lavore con le maschere), l’un des plus célèbres maîtres de la commedia dell’arte, qui a enseigné pendant plus d’un an le travail du masque aux acteurs. Son travail était orienté contre les clichés du genre, le masque étant utilisé comme un instrument permettant à l’acteur et au spectateur de prendre part au rituel. La création d’un nouveau monde angélique engendré par éclectisme, dans un dialogue avec les masques et la nature de l’acteur. Ce fut un travail de laboratoire consacré aux métamorphoses du corps, à l’étude de la dramaturgie du corps. Boris Ioukhananov appelle son «Pinochio» un méta-opéra, résultat du processus de création d’univers et de textes en développement perpétuel.

Ce n’est pas le premier projet de Boris Yukhananov, créé avec sa méthode du processus de développement perpétuel. L’autre, «Les jeux orphiques. Punk macramé», est une oeuvre en 33 actes, réunis en 12 spectacles, dans 12 décors représentant des salles différentes sur les murs desquelles sont dessinées 33 fresques. Le brodage de ce macramé dure six après-midis et six soirées. 100 jeunes metteurs en scène sortis de l’Ecole de Mise en Scène Individuelle (MIR 5) de Boris Yukhananov, y ont réinterpété le mythe d’Orphée et Eurydice.

Essayons d’analyser un peu plus en détails «L’âne d’or. Espace de travail ouvert», l’un des projets les plus révolutionnaires de Boris Ioukhananov à ce jour, dont la première a eu lieu en 2016: il s’agit d’une cession publique où l’on utilise la méthode du processus de développement perpétuel, en s’inspirant des métamorphoses d’Apulée. La création du spectacle est devenue le sujet du spectacle lui-même. 4 heures par jour durant 5 jours, les comédiens du théâtre ont montré leurs propres études ou modules, sur le thème de « L’âne d’or ». Lors de ces présentations publiques, Boris Yukhananov agissait comme un pôle d’attraction magnétique. Quelle que fut la qualité des modules présentés, les commentaires incroyables de précision et d’intelligence de Boris Yukhananov, qui s’était rebaptisé Isis pour l’occasion, étaient d’une extrême importance.

La représentation pouvait être interrompue à n’importe quel moment, et personne ne pouvait être certain que tous les modules annoncés dans le programme seraient présentés au public. De plus, les 3 spectacles du soir, appelés « composition blanche », « composition poilue » et « composition noire-la ville » parce que faits de modules organisés entre eux suivant une gamme chromatique, pouvaient eux aussi être interrompus à tout moment par le metteur en scène. La structuration de cet événement en 5 journées n’est pas le fait du hasard : elle raconte le processus du dessin d’un papillon sous les yeux éberlué du public. Le dessin des ailes du papillon occupe les deux premières parties : « La composition poilue » évoque la partie supérieure de l’aile, et « La composition blanche » sa partie inférieure. Son corps, c’est « La composition noire-la ville ». Quand le papillon eut fini d’être dessiné, le cycle des compositions est entré au répertoire du théâtre. Nous reparlerons des papillons .

Boris Yukhananov a créé un format théâtral jamais vu : un projet de processus de développement perpétuel, qui comprend jeu et apprentissage, répétitions et concerts individuels. La discussion publique des modules inspirés par « L’âne d’or » d’Apulée, devient une performance vivante, immédiate, et inimitable de Yukhananov-Isis.

Pendant le spectacle, on assiste à un voyage sans libris fabula, au cours duquel se produisent de perpétuelles transformations du sujet et des héros. Les créateurs de modules ne se limitent pas à un genre particulier. Les décors sont pour la plupart composés de colonnes et de bancs, modifiés suivant la partie : Dans la partie  « Poilue » les colonnes sont poilues, dans la  « blanche » elles sont blanches, et dans « La ville » elles sont noires.

Dans la salle et sur scène sont présents deux autres Isis, en plus du metteur en scène lui-même : Isis-Tsitser (Andreï Emélianov), et Isis-Klim (Klim Kozinski). Ces pseudos-metteurs en scène ont le droit de se mêler à l’action scénique, de la commenter, de donner leur point de vue, et de parodier Isis-Yukhananov.

Dans les compositions tous les genres sont mélangés : découlent les uns des autres, le mystère, la comédie musicale, le story-telling, le cirque, l’opéra. La composition « Poilue » a trait pour une grande part, au combat, à la résistance, à la nature de l’acteur ; la « blanche » évoque le monde divin. C’est la composition la plus légère et élégante. « La ville », c’est le monde des hommes, « l’érosion de la vie » au moyen de trompettes en plastique vert. Ces trompettes sont données non seulement aux acteurs, mais à une grande partie du public. Chacun peut faire son solo de trompette. La conception scénographique d’Ivan Kotckariov pour « L’âne d’or » est l’une des plus simples parmi les spectacles de l’Electrothéâtre. Mais comme cela fonctionne bien ! Le simple déplacement des colonnes, en interaction avec la partition lumineuse (Evguéni Vinogradov) et la vidéo (Eléna Koptiaeva) créent des univers dans lesquels il y a des espaces ouverts, des murs, et des labyrintes. Les costumes d’Anastassia Nefiodova sont toujours en relation avec l’action scénique qu’ils prolongent et révèlent, et souvent même motivent, d’une manière étonnante. Le spectacle forme un ensemble esthétique, dont chaque partie est différenciée, au sein d’une conception visuelle globale. Au fur et à mesure des trois actes, on se dissout un peu plus dans cet univers total.

Le thème de la composition « blanche », c’est l’adoration de la beauté. Certaines parties sont fixées à l’avance, mais d’autres conservent une part d’improvisations. Par exemple, l’épisode d’Amour et Vénus (Alla Kazakova, Anton Kampanine) comporte des zones d’improvisation dans sa structure. Les sujets d’improvisations sont définis à l’avance, mais peuvent changer au dernier moment. Parallèlement au texte d’Apulée, les acteurs inventent leur propres textes sous les yeux des spectateurs. C’est justement dans cet épisode, où Vénus ouvre « la boite de Pandore » en discutant avec Amour, qu’a lieu l’un des moments les plus beaux et les plus importants des trois parties de « l’âne d’or » : de vrais papillons, après s’être posés sur le coin d’une malle, s’envolent lentement à travers la salle. Ce vol de papillons est l’épicentre des trois compositions. L’événement a subrepticement pris son vol, il est sorti de l’ombre. Ensuite, on n’assiste plus qu’à la matérialisation de ce papillon sous une forme plus concrète. Le signe et le symbole du papillon créent un espace supplémentaire de transformations et de métamorphoses.

C’est la vie qui est propulsée vers la liberté, son envol vers la mort. Certains papillons n’arrivent pas à s’envoler, d’autres s’endorment sous nos yeux. Mais il y a toujours quelques papillons qui continuent à vivre et à voler dans la salle pendant la soirée suivante, pendant la composition « La ville ».

L’épisode « Le train d’Isis » est l’un des meilleurs rôles de l’actrice Tatiana Marinitchéva (Lucius-l’âne). On oublie quelles sont l’actrice et son école, tant on est totalement pris par son jeu qui nous fait éprouver tous les états de ses métamorphoses qui ont lieu sur scène. La scène d’amour entre  la Matrone et l’Ane (Ekatérina Andréieva et Azamat Nigmanov), est si subtilement chorégraphiée, qu’on n’est pas rebuté par le texte, mais transportés dans un lointain passé, où la frontière entre les Hommes et les dieux était aussi mince que celle entre les Hommes et les animaux. Quand le monde formait un tout.

Dans un autre épisode, d’une manière incroyable, les sons des violons se coulent dans ceux des scies. Les voix féminines ensorcelantes et méconnaissables forment une trame sonore.

Le final de la composition « blanche » enfonce les spectateurs dans leur fauteuil, comme au décollage d’un avion. Invraisemblable et profonde partition d’Isis (Ioulia Sémina) crée une zone de méditation. C’est magnifique d’un point de vue cinématographique, et on a en plus l’impression d’assister à un opéra cosmique. Les bras démesurés d’Isis se referment sur elle, puis, au moyen des mêmes colonnes, l’espace se referme autour d’Isis, ne laissant de la lumière qu’à l’intérieur.  L’espace s’ouvre à nouveau, et l’on voit maintenant une colonne de lumière d’or, qui unit les dieux, les hommes et tous les êtres vivants. On a l’impression d’être à la frontière entre la perte de soi, et la découverte, d’assister à une pérpétuelle définition et un effacement de ces limites. La salle était médusée. C’est seulement après le troisième salut des comédiens que les spectateurs ont commencé à revenir à eux.

La troisième composition « La ville », a trait à des histoires plus vulgaires, mais elle est irréprochable du point de vue de l’esthétique. Sur ce plateau, n’importe quelle histoire abracadabrantesque est polie jusqu’au miroitement. Par exemple, la scène du bain, dans laquelle Macha Belaieva et Andreï Emélianov se lancent des tomates mûres, pourrait très bien faire partie de la composition « blanche ».

Ce spectacle a montré une fois encore que les actrices de l’Electro-théâtre sont divines. Boris Yukhananov discerne en elles cet aspect divin, et le met en évidence. Il donne aux spectateurs la possibilité de voir une histoire incroyablement puissante, mais en même temps très douce et sensible, de d’apercevoir l’éternel féminin qui est en Isis, en Vénus, et même en Lucius-âne, car les interprêtes de ces rôles sont pleines de féminité.

Le démiurge Yukhananov crée non seulement la vague, qui porte sur la scène-rivage l’événement du processus de développement perpétuel, mais il fait aussi des expériences sur la perception du public.

La cession de processus de développement perpétuel de processus du projet « L’âne d’or »  dure plus de 50 heures : c’est un énorme travail intérieur, autant pour le metteur en scène et les comédiens, que pour le public. Yukhananov appelle ironiquement ses spectateurs assidus « dossidenti », ceux qui restent assis jusqu’au bout. (Jeu de mot avec « dissidents »  NDT). Bien entendu, les compositions qui sont déjà entrées au répertoire sont beaucoup plus courtes. Mais elles durent quand même trois soirées de quatre heures. Les spectateurs qui ont passé ce casting spécifique, subissent une transformation qui leur permet de participer à l’action scénique. Le fait qu’il existe des fans de ce spectacle, qui viennent le revoir plusieurs fois, prouve qu’il y a chez le spectateur un besoin de se sentir aussi auteur, dans un espace théâtral ouvert. Les commentaires théoriques et pratiques de Boris Yukhananov sont une sorte d’espéranto. Mais il semble que les comédiens, et derrière eux le public, entrent progressivement dans ce champ particulier d’acceptions, de  signes, de termes, dont certains se forment pendant le processus de discussion, et d’autres constituent depuis longtemps le catalogue terminologique du metteur en scène et théoricien du théâtre. Personne ne peut à ce moment entrer en conversation (avec le metteur en scène NDT) : c’est une performance méditative, qui ouvre encore plus largement, ou plutôt fait éclater l’espace théâtral. Pourtant, il arrive que Yukhananov close le processus par des commentaires extrêmement simples, clairs et presque lyriques. Dans la salle, on comprend que quel que soit le spectacle que l’on voit sur scène, son atmosphère générale, son rythme, sont communiqués par l’état d’esprit du metteur en scène à ce moment donné. Il est évident que Boris Yukhananov, est parfaitement conscient de l’importance de son influence sur le processus de création, qu’il sait intelligement, précisément et au bon moment orienter l’action, et donner la possibilité d’une synthèse entre la profondeur et la l’éphémère.

Non seulement les artistes de la troupe de l’Electrothéâtre, mais aussi des anciens élèves « MIR4 », l’Atelier de Mise en scène Individuelle, créé par Yukhananov en 1988, prennent part au projet « L’âne d’or. Espace de travail ouvert » De son atelier sont sortis des metteurs en scène, des comédiens, des producteurs, des auteurs dramatiques, et des compositeurs. Le créateur de l’Atelier, forme des professionnels de tous horizons, il développe non seulement leur potentiel personnel, mais aussi leur universalité.

Le processus organique et vivant de développement de nouvelles formes théâtrales, la réunion du concret avec l’abstrait, de très profondes traditions d’avant-garde, des mélanges inédits, le collage des structures entre elles selon une logique intuitive, la synthèse de subtilités anthropologiques, le show et le rite, tout cela n’est qu’une partie des processus bouillonnant dans ce chaudron théâtral. L’espace théâtral forme lui-même une ruche, dans laquelle chaque mètre carré produit le miel de la création, et où, bien mieux que n’importe quel article théorique ou leçon, chaque espace alvéolaire insuffle la puissance créatrice aux comédiens, metteurs en scène,  étudiants, spectateurs.

 

MYSTERIAL THEATRE IN THE CENTER OF MOSCOW

One critic called Boris Yukhananov a double of Herzog's Fitzcarraldo, who built an opera house in the Peruvian jungle. Theatre, film and television director, producer, actor, poet, writer, artist, theatre theorist and teacher, student of Anatoly Efros and Anatoly Vasilyev, romantic and realist, Yukhananov created a unique experimental theatre space in the center of Moscow. The fact that he became the theatre's artistic director and the originator of the plan to renew it, after winning a citywide competition for reconstruction plans in 2013, is a miracle in itself. In a mythical way, the space blossomed as if it were a materialization of Yukhananov's creative thoughts. Yukhananov formed the theatre as one would grow a garden, fertilizing and enriching existing soil layers. The actors of the old school were retained in the troupe, and they were able to convey to the young actors their attitude to the rehearsal process, to theatre in general, to their roles. At the same time, an influx of fresh, young talents constantly took place and it continues to occur. The idea of the stage-transformer, which formed the basis of the architectural and technological solutions for the space, was also decisive for the formation of this theatre company.

The Stanislavsky Electrotheatre is a unique phenomenon not only in Russia, but in Europe, too, and, possibly, the entire world. On January 26, 2020, the theater celebrated its fifth anniversary, and everyone was surprised to see that, bucking all existing trends, a new type of theatre space could be formed over a five-year period in the contemporary world. At a time when funding is shrinking everywhere, when only small independent theatres possessing modest numbers of spectators can afford to work according to the laboratory process, Yukhananov created a grand, multi-profile, avant-garde, experimental, creative laboratory. In five years time, he managed to attract and educate a regular group of spectators, intrigue critics, theatre historians, professional skeptics, and bring young people to his theatre. Since 2015, the theatre has staged over 50 premieres. The basis for many of the largest and most luxurious experiments was the idea of combining opera and drama theatre, the development of new musical and dramatic theatre strategies. The artistic director's projects often initially seem to be utopian, but that doesn't stop him from bringing them to life. And he brings them to life not by seeking to satisfy a common denominator, but, contrary to all logic, by making them more complicated as he brings them into being. The birth of the theatre and the coming-into-being of many events in it might appear fantastical or even metaphysical. Today it is a multicultural, modern, fashionable space in the center of Moscow in which Boris Yukhananov has staged a number of large-scale productions: The Blue Bird trilogy, the Drillalians opera series, The Constant Principle running over two days, a unique new-processual project called The Golden Ass. The Open-circuited Workspace, Galileo. Opera for Violin and Scientist, another opera Octavia. Trepanation, and a six-day new-processual project, Orphic Games. Punk-macrame, which was based on the myth of Orpheus and Eurydice.

Not only Russian, but also European directors of the first magnitude – Theodoros Terzopoulos, Romeo Castelllucci, Katie Mitchell, and Heiner Goebbels – have worked in this theatre.

The theatre has its own publishing house which produces detailed programs and booklets; a newspaper and books that establish and expand the context of the productions; texts by Yukhananov explaining the principles of construction and development of his special theatre process; and books by other authors on the history of theatre.

The music for the Drillalians opera series was written by six leading contemporary composers. Each presented his own interpretation of the text of a philosophical and poetic novel. The opera Octavia. Trepanation, directed by Yukhananov and composed by Dmitri Kourliandski, was performed at the Holland Festival on the centenary of the Russian revolution, and again later at the Olympico theatre in Vicenza. To date, Yukhananov has created a series of multi-day, esoteric, theatrical journeys. The first was The Blue Bird – a three-day journey through the tale by Maeterlinck, the history of the theatre and the country. This performance also demonstrated the excellent technical capabilities of the renovated theatre. The two-day performance of The Constant Principle, after texts by Calderon and Pushkin, is interwoven with the realities of the 1990s and today.

The premiere of the first two parts of Pinocchio, a mystery play by Andrei Vishnevsky took place at the end of 2019. Pinocchio is a dialogue between the director and playwright. This theatrical mystery play has just begun its life; the next three parts are already being rehearsed. The creative team includes world-class stage designer Yuri Kharikov, who created the magical and futuristic worlds on stage, and one of the most famous masters of commedia dell'arte, Alessio Nardin, who trained the actors to work with masks for an entire year. This work was aimed at rejecting cliches, and at using masks as a tool to help the actor and audience connect to ritual. The generation of a new angelic world through eclecticism, dialogue with masks, and with the nature of the actor takes place thanks to laboratory studies of bodily metamorphoses which lead actors to mastering the dramaturgy of the body. Yukhananov calls Pinocchio a meta-opera, the result of the new-processual creation of worlds and texts that evolve over time.

This is not Yukhananov's first new-processual project. Orphic Games. Punk-macramé was another. It is a single work in 33 acts, contained in 12 performances, rather like the space of 12 rooms with 33 murals on their walls. This macramé is woven over six days and evenings. The story of Orpheus and Eurydice was reinterpreted by 100 young directors who had graduated from Boris Yukhananov’s Studio of Individual Directing (MIR-5).

Let's attempt to look in more detail at a 2016 premiere, one of Yukhananov's most revolutionary projects, The Golden Ass. The Open-circuited Workspace. It was performed as public sessions of a new-processual project inspired by The Metamorphoses of Apuleius. The performance was the process of creating the performance.

For five days, four hours each, the participating actors performed work prepared independently – so-called “modules” based on the themes of The Golden Ass. Yukhananov emerged as the center of attention at these performances. No matter how good the modules were, the keen, witty and precise commentary offered by Yukhananov, the director who proclaimed himself Isis, was extremely important.

The performance might be interrupted at any time and there was no guarantee that all modules announced in the program would be presented to the audience. Moreover, each evening's two “compositions,” culled from independently-created scenes, might also be interrupted by the director at any time. They were called Shaggy, White and City, of which there was just one performance. The five-day structure of this event is not accidental and is explained as the process of "drawing" a butterfly in front of an astonished audience. Butterfly wings consist of two parts - the upper Shaggy section, and the lower White segment. The body is the composition known as City. When the butterfly was “completed,” the so-called compositions entered the theatre's cycle of repertoire performances. We will come back to butterflies later.

Boris Yukhananov created a theatre format that has not existed heretofore: a new-processual project which includes performance and educational properties, rehearsals and personal concerts. Discussions of the modules incorporating Apuleius' story give rise to the lively, real-time, unrepeatable performance of Yukhananov-Isis himself.

During the performance, a journey takes place without plot, but with constant transformations of the plot and characters. There are no genre restrictions for the creators of modules. The basis of the stage decorations were columns and benches, mutating in each successive part. In the Shaggy compositions, the columns are shaggy, in the White compositions they white, and in the City compositions they are black.

Aside from the director himself, two more actors play Isis – Isis-Tsitser (Andrei Yemelyanov) and Isis-Klim (Klim Kozinsky) – on stage and in the hall. These are pseudo-directors who have the right to force themselves into what is happening, to comment, to give assessments, and to parody Isis-Yukhananov.

The compositions are multi-generic: mysteries, musicals, serials, storytelling, circus, opera – everything flows from one into another. Shaggy, to a great extent, is about struggle and confrontation, and about the nature of acting. White is about the world of the gods. This is the lightest and most elegant composition. City takes on the world of people, “the breath of life” coming through green plastic pipes. These pipes are received not only by the actors, but also by a large number of spectators. Everyone can “puff” their own solo. Ivan Kochkaryov's design for The Golden Ass is one of the simplest scenographic solutions in all the productions at the Electrotheatre. But how it does work! The simple movement of the columns, combined with the lighting design (Yevgeny Vinogradov) and video design (Yelena Koptyaeva), creates worlds in which there is open space, walls, and labyrinths. The costumes by Anastasia Nefyodova, as always, support and show off the action with surprising accuracy. They are a kind of tuning fork for the action. The unified visual solution flawlessly suits each episode and supports the overall concept. The viewer increasingly melts into the goings-on as the performance goes through the three acts.

The theme of the central composition of White is the worship of beauty. Some episodes have an already fixed form, but some preserve the improvisational component. For example, the episode "Cupid and Cyprida" (Alla Kazakova and Anton Kapanin) is a structure built around free improvizational zones. The themes of the improvisations are indicated, but even they can change. Parallel to the text of Apuleius, the actors create their own text right in front of the audience. It is in this episode, as she chats with Cupid, that Cyprida opens Pandora’s box, thus bringing about one of the most beautiful and key moments of all three evenings: live butterflies slowly fly out over the stage and into the hall, after sitting awhile on the edge of the box. This flight of the butterflies is the center of the entire three-part composition. On its most subtle level, this event indicates that things have already taken off and moved out of the dark. Further, the flight of the butterflies takes on a more tangible form. The sign and symbol of the butterfly create an additional field of transformations and metamorphoses. This is life breaking out into freedom, as well as a flight toward death. Some butterflies will not fly, some will fall asleep before our eyes. But some butterflies will live and continue to fly in the hall the next evening too – during the performance of the composition City.

The episode titled "Isis' Train" is a powerful performance by actress Tatyana Marinicheva (Lucius the ass). As you watch the scene progress, you don’t think what acting school this is, or who this actress is, because her actions seize the spectators' spectral neurons and do not let go, making the audience experience all metamorphoses together with Lucius.

The love scene of Matrona and the Ass (Yekaterina Andreeva, Azamat Nigmanov) is choreographed so elegantly that the text is no longer perceived directly. It is, rather, like peering into the depths of the centuries, when the line between God and man was as unsteady as between man and animal. When the world was one.

In another episode, in some incomprehensible way, the sounds of violins naturally merge with the sounds made by actors playing saws. Female voices, captivating and unrecognizable, form a general background.

The finale of the composition White presses the audience into their chairs, like an airplane taking off. The surprisingly deep and complex vocal part of Isis (Yulia Syomina) creates a meditative zone. The stage is beautiful in a cinematic way, and at the same time it creates the feeling that you are attending an opera in outer space. Exquisitely elongated arms close shut, and then, with the help of the columns, the space closes around Isis, leaving light inside. The space opens again, turning into a pillar of golden light that unites the gods, people and creatures. The infinite closing-opening and infinite transformations suggest a form of life. One feels as though one is on the verge of losing or gaining something, one senses the continuity of creating and erasing borders. The hall was stunned. Only by the third encore did the audience begin to come out of their stupor.

Marked by a cruder narrative, the third composition, City, is no less flawless aesthetically. Any grotesque meaning in this scene is varnished to a shine. For example, a scene in a bathtub as actors smear each other with ripe tomatoes (Maria Belyaeva and Andrei Yemelyanov) could well have been included in the composition White.

This performance, once again, showed that the Electrotheatre actresses are divine, Boris Yukhananov sees divinity in them, reveals it, and gives the audience the opportunity to encounter an incredibly strong, scintillating, and tender story, and to see the eternal femininity of Isis, Cyprida, and even Lucius-the-ass, insofar as the performers of these roles are filled with this femininity.

The demiurge Yukhananov not only gives rise to a wave of new-processual events that wash over the stage, he also conducts experiments with spectators' perceptions.

The Golden Ass runs, in all, for almost 50 hours. This new-processual project provides tremendous internal work not only for the director and actors, but also for the audience. Yukhananov ironically calls loyal viewers "sitter-outers" because they “sit the show out.” Of course, the compositions included in the theatre's repertoire are much shorter, but they still run four hours each over three evenings. Spectators who have withstood this kind of test, themselves make the path of transformation as they internalize the action on stage. Not only the theatre, but this project specifically, has its fans who come to more than one performance, indicating that the viewer has a need for co-creation in an open theatre space. Boris Yukhananov makes his theoretical and practical commentary in a kind of Esperanto. But the actors, and following them, the audience, gradually enter this entirely special field of concepts, signs, and terminology that are born directly in the process of discussion, alongside those that have long been in the vocabulary of this director and theatrical theorist. Surely, no one is capable of entering into dialogue at this moment – this is a performance and meditation that further opens, or rather, rips open, the theatre space. Moreover, it sometimes happens that Yukhananov, for a while, will close down the process even for himself with very simple, clear, quiet, almost lyrical comments. As you sit in the hall, you understand that, no matter what joys take place on stage, the general atmosphere, its degree and rhythm are set precisely by Yukhananov's state of mind at this very moment of his being. Undoubtedly, understanding the power that his personal influence has on the process, Yukhananov cleverly, accurately and always employing perfect timing, taps into his ability to set what is happening on the right vector, to create the possibility of synthesizing fullness and transience.

In addition to members of the theatre company, many graduates of Yukhananov's Studio of Individual Directing (MIR-4) took part in the performances of The Golden Ass. The Open-circuited Workspace. Over the years since its founding in 1988, many directors, actors, producers, playwrights and composers have graduated from this workshop. Yukhananov, the studio founder, educates universal professionals, revealing not only their individual, but also their universal potential.

The organic, lively process of cultivating new theatrical forms, the combination of the concrete and the abstract, and the deepest traditions mixed with the avant-garde all form an incredible combination, an intuitive and logical collage of structures, a synthesis of anthropological research, ritual and spectacle. These are only part of the processes boiling in this theatrical cauldron. Better than any theoretical article or lecture by actors, directors, students and spectators, the space itself forms the hive, in which each square meter produces the honey of creativity, and each space breathes the act of creation.